A Lézignan, dominant une étroite ruelle et d’humbles demeures provinciales, se dresse, orgueilleuse et insolite, la façade sud de la maison d’Antoine Puéo.

Cette façade (ainsi que la façade est) n’est qu’une immense sculpture fortement rythmée où le verre en morceaux, le grillage, la tôle et le fer se mêlent au ciment employé de toutes sortes de façons sans jamais un souci de réalisme.
On pense aux retables espagnols, au surréalisme, à la sculpture moderne, au règne minéral.
On reste fasciné.
Etrange palais, fait d'accumulation de formes délirantes, de matières diverses qui scintillent dans la lumière du matin, bas-reliefs usés ou comme sculptés par le vent, déchiquetés par je ne sais quelles intempéries et percés d'ouvertures qui ne regardent que le ciel.
Témoignage de quelle pensée, de quel rêve, de quelle civilisation ?

L’auteur est mort il y a quatre ans*, il était artisan maçon. Il a construit sa maison il y a trente ou quarante ans, le dimanche et à temps perdu.
Ses parents étaient venus d’Espagne lorsqu’il avait un an et il n’y est jamais retourné. Sa veuve, à qui nous avons demandé sa date de naissance, nous a dit qu’il était de la classe 11 ou de la classe 12**.
Il a été le premier – et peut-être le seul – poète du ciment, matériau qui compte tellement de prosateurs !
Et pour toute gloire il n’a eu qu’une médaille, sur la fin de ses jours, parce qu’il avait joué longtemps dans l’harmonie municipale de sa petite ville. C’est tout.
Sa maison est à vendre. Peut-être quelqu’un l’achètera pour la détruire.
            J. Hippeau

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*c'est à dire en 1966
**donc né vers 1892